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La musique


Les quelques 2500 poésies formant l’œuvre des troubadours nous sont parvenues par l’intermédiaire d’environ 90 manuscrits. Seulement 260 de ces pièces sont notées avec leur mélodie.

 

  • Les manuscrits
  • Origines
  • De l'oral à l'écrit
  • Troubadours & jongleurs
  • La musique
  • Accompagnement

Les manuscrits

Les manuscrits les plus anciens contenant des créations troubadouresques remontent au début (chansonnier R) ou au milieu (chansonnier X) du XIIIe siècle. Ils proviennent de scriptoria occitanes, françaises ou italiennes. Les chansonniers les plus fournis en œuvres de troubadours pourvues de leurs mélodies sont le chansonnier R (manuscrit français 22543), probablement de facture occitane, et daté du début du XIIIe siècle ; le chansonnier dit « de St-Germain des Prés » ou chansonnier X, sans doute réalisé dans le nord de la France vers le milieu du XIIIe siècle (ce qui en dit long sur le rayonnement de la culture occitane en France du nord, au temps de la Croisade albigeoise) ; le Manuscrit du Roi ou chansonnier W, également de France du nord et datable de la fin du XIIIe siècle ; enfin le chansonnier G, recueil milanais du début du XIVe siècle.
La célèbre chanson Can vei la lauzeta mover, de Bernat de Ventadorn, nous est par exemple connue avec sa mélodie grâce au chansonnier R , qui la mentionne pour la première fois. 
On le voit, ces sources sont donc contemporaines de plusieurs troubadours occitans. Ceci dit, elles sont postérieures de plusieurs années à la mort des plus anciens d’entre eux : Guillaume IX d’Aquitaine, Jaufre Rudel, Bernat de Ventadorn, Marcabru, Cercamon… Pour ces auteurs, nous ne possédons donc aucune source musicale (ni poétique, d’ailleurs) contemporaines de leurs vies, seulement des transcriptions postérieures.

Origines

En Aquitaine, la période allant du Xe au XIIe siècle fut extrêmement riche sur le plan de la production musicale, notamment dans le domaine du plain-chant. Fondée en 848 autour du tombeau de Martial, martyr du IIIe siècle, l’abbaye St-Martial de Limoges s’impose comme un des centres les plus actifs et les plus brillants d’Europe en matière de création et d’invention musicales, donnant naissance à la première génération de polyphonie sacrée : l’école de St-Martial de Limoges ou polyphonie aquitaine.

Le genre musical religieux en usage en Europe depuis le IXe siècle est l’organum, premier genre polyphonique,  dans lequel deux voix – une basse, le tenor ou « teneur », l’autre plus haute, la voix dite « organale » chantaient les mêmes notes, en respectant les mêmes valeurs de durée, les mêmes pauses, etc.
L’apport de l’école de St-Martial fut d’introduire dans l’organum une différenciation entre la voix de tenor et la voix organale. Désormais, la voix organale pouvait chanter vingt notes pendant que la voix de tenor tenait (c’est l’origine du nom) une seule note, basse et très longue. La voix organale prit l’habitude d’orner sa partie de chant,  donc d’ajouter des notes,  de broder, d’improviser des passages. Parfois même, on ajoutait à sa partie des paroles qui n’étaient pas dans le texte latin d’origine, à l’occasion de fêtes religieuses particulières, par exemple. On appela ces ajouts d’ornements et parfois de paroles des tropes, du grec τροπος, «tour, détour ».


L’autre genre qui fut introduit par l’école St-Martial de Limoges fut celui du discantus ou « déchant » dans lequel les deux voix chantent en effet de miroir : l’une descend quand l’autre monte, etc. Cette pratique connut une belle postérité, notamment au XIVe, à l’époque de l’Ars nova.

Le terme trobar (trouver), à partir duquel à été formé le mot « troubadour », pourrait être dérivé de cette pratique, qui constitue effectivement un espace de création, d’invention : en un mot, de trobar au sens médiéval du terme, dans le cadre assez rigide du plain-chant grégorien, qu’il révolutionne.

Au Moyen-Âge, la musique faisait partie du quadrivium, deuxième degré de l’enseignement universitaire hérité de l’Antiquité, avec l’arithmétique, la géométrie et l’astronomie. Accéder à son enseignement induisait généralement d’être clerc, ou de faire partie de la très haute société. Les liens entre les troubadours et l’univers de la musique liturgique sont donc existants, certains d’entre eux ayant été de grands seigneurs, ayant eu sans doute accès à un enseignement supérieur de qualité (Guillaume IX, Jaufré Rudel). Les mélodies troubadouresques qui nous sont parvenues sont généralement modales, c’est-à-dire basées sur les modes grecs qui régissaient la musique depuis l’Antiquité, comme c’était le cas du plain-chant.  Ainsi, pour l’anecdote, une œuvre parmi les plus célèbres musicalement, la cançon Can vei la lauzeta mover de Bernard de Ventadour, est notée dans le chansonnier R – la plus ancienne source nous l’ayant transmise, sur le mode primitif de ré (teneur en la).

De l'oral à l'écrit

Si nous n’avons conservé finalement que relativement peu d’œuvres notées des troubadours, c’est que, pour les gens du Moyen-Âge, le fait de noter, de cristalliser la musique n’est pas perçu comme une finalité. Le contexte du trobar musical était avant tout marqué par l’oralité. Orale était la transmission des œuvres, de poète à jongleur et de jongleur à autre jongleur. L’écriture ne constitua, en somme, que l’aboutissement de cette tradition orale, la plupart du temps dans l’Italie du Trecento, c’est-à-dire dans un tout autre contexte musical que celui des troubadours. Du reste, les manuscrits les mieux pourvus en œuvres troubadouresques notées (chansonnier occitan R) n’indiquent le timbre musical de la chanson que pour la première strophe. Rien ne permet d’affirmer que ce timbre se chantait de la même façon pour toutes les strophes. Du reste, certains poèmes apparaissent d’un manuscrit à l’autre avec des mélodies différentes (parfois structurellement proches), mais certaines mélodies – les plus connues – se retrouvent dans plusieurs chansonniers.

Troubadours & jongleurs

Le troubadour est le créateur, l’inventeur ; le jongleur (joglar) est l’interprète. Le jongleur peut être issu de milieux sociaux modestes et ne pas avoir reçu une instruction très raffinée. Plusieurs d’entre eux, cependant, pouvaient se prévaloir d’une bonne instruction littéraire et musicale. Ses qualités sont surtout le talent à chantar et violar, c’est-à-dire s’accompagner en jouant de la vièle. Ceci dit, plusieurs troubadours, en plus d’être auteurs, sont connus pour avoir été de grands joglars : Sordel, Perdigon, Pons de Chaptuei, Aimeric de Peguilhan, Ramon Vidal de Besalú  ou encore Pèire Vidal.

C’est au XIIIe siècle qu’un des troubadours les plus tardifs, Guiraud Riquier, servant à la cour de Castille, établit nettement la distinction hiérarchique entre troubadour et jongleur, se plaçant lui-même au-dessus, sous le titre de doctor de trobar, accordé par lui à ceux de ses congénères qu’il considère comme les plus élevés dans l’art de l’invention poétique. Guiraud de Bornelh, que Dante appela Il miglior fabbro (le meilleur fabriquant), célèbre autant le plaisir de trobar, que de chantar, c’est-à-dire de composer d’une part, et d’interpréter d’une autre. Guillaume IX d’Aquitaine est qualifié dans sa vida de sachant ben trobar e cantar. Pèire Vidal cantava melhs qu'ome del mon ; e plus leu li avenia trobars que a nul ome del mon e fo aquels que plus rics sons fetz (chantait mieux que n’importe-quel homme au monde ; et plus facilement lui venaient à l’esprit les créations qu’à n’importe-quel homme au monde, et ce fut lui qui composé les plus riches mélodies). Ramon Vidal de Besalú, dans son ouvrage Razos de trobar, sorte de synthèse de l’art du trobar, ne distingue d’ailleurs pas l’acte de composition de celui d’interprétation : Totas gens cristianas, juzeuvas e sarazinas, emperador, princeps, rei, duc, comte, vescomte, comtor, valvassor, clergue, borgues, vilans, paucs et grans, meton totz jorns lor entendimen en trobar et en chantar (Toutes gens, chrétiens,  juifs et sarrazins, empereurs et princes, rois, ducs, comtes, vicomtes, gentilshommes, clercs, bourgeois, vilains, pauvres et grands, mettent toujours leur entendement au service de trobar et de chantar).

Le rôle du jongleur est donc fondamental, et il fait partie intégrante de la création troubadouresque. Un poème bien écrit mais mal interprété, par un artiste (fût-il l’auteur en personne) sachant mal l’art de chantar, joglar et violar sera gâché, et ne plaira pas. L’interprète doit être capable de mettre intonations et ornements, de faire ressortir l’agrément du texte, sans doute d’en mimer l’action, de varier éventuellement la mélodie d’une cobla à l’autre.

La musique

Il est difficile de caractériser musicalement les oeuvres des troubadours en raison du peu de sources existantes et du caractère fragmentaire des passages musicaux notés.
Certaines mélodies, de par leur caractère fortement figuratif, illustratif, sont passées aussitôt à la postérité, en raison du talent de compositeur de leur auteur : ainsi, la quinte parfaite ouvrant l’alba de Guiraud de Bornelh Reis glorios, sur l’invocation de la gaita, illustre bien évidemment la sonnerie de la trompe de celle-ci.

La mélodie de la cançon Can vei la lauzeta mover de Bernard de Ventadour, est notée sur le mode de ré. Pourtant, les troubadours n’ont pas hésité à prendre des libertés avec les règles assez strictes de la modalité grégorienne : l’emploi des modes chez les troubadours n’est pas conventionnel. Le caractère original de ces œuvres musicales en font des créations à part entière, nous ramenant à la conception même du trobar, le fait de « trouver », de créer, aussi bien pour la mélodie que pour le texte.

Plusieurs chercheurs ont étudié l’organisation musicale des œuvres des troubadours. Dans la plupart des œuvres troubadouresques, la mélodie varie, soit d’un vers, soit d’un groupe de vers, à l’autre. Dans certains cas, le thème musical initial est répété plusieurs fois dans l’œuvre. Quand ce n’est pas le cas, c’est-à-dire que la mélodie ne comporte aucune répétition, se composant d’une succession de phrases musicales toutes différentes les unes des autres, l’on parlera de mélodies « libres », ou d’oda continua.
Il existe chez les troubadours un rapport entre la mélodie et le texte, ou pour mieux dire la versification, restant ainsi dans la logique de l’esprit du trobar qui, à la façon des tenants de la seconda prattica du XVIe siècle, ne sépare pas musique et texte, mais considère l’un et l’autre comme formant un tout. Dans certains cas il existe une nette adéquation entre la rime choisie et la mélodie, ou entre la versification et l’alternance mélodique, parfois par le jeu des ornements, puisse exister. En somme, à l’instar de l’alba de Guiraud de Bornelh, ou de la cançon Trop ai estatmon bon esper no vi du jongleur lozérien Perdigon, la mélodie joue un rôle dans la construction du poème : elle participe à sa réalisation. La mélodie fait partie du poème à part entière.

L’art des troubadours serait donc déjà un art figuratif, dans lequel le rapport texte-musique-mélodie forme une harmonie, un équilibre parfaits. Leur musique, autant que leurs mots et leur versification, serait donc représentative, pour utiliser de façon quelque-peu anachronique le terme qu’emploieront, quatre siècles plus tard les inventeurs italiens du stile rappresentativo ou recitativo, qui sera à l’origine de la révolution du Baroque.


Accompagnement

Sur quels instruments les troubadours s’accompagnaient-ils ? Le verbe violar, présent dans le vocabulaire troubadouresque pour désigner l’activité musicale, semble se référer à la viòla ou vièle, l’instrument à archet emblématique du Moyen-Âge. On ignore tout de la technique musicale des troubadours : la vièle servait-elle à souligner le texte ? Où de courts passages instrumentaux étaient-ils intercalés entre les strophes ? Aucun instrument médiéval ne nous est parvenu : les luthiers et musicologues sont tenus de se référer à l’iconographie ainsi qu’à quelques traités théoriques – comme celui du moine Jérôme de Moravie, au XIIIe siècle – pour en reconstituer l’accord et le son. Le fastueux manuscrit espagnol des Cantigas de Santa Maria, attribuées au roi de Castille Alphonse X le Sage (1221-1284), à la cour duquel servait le troubadour Guiraud Riquier, nous présente une riche organologie dans ses splendides enluminures : flûtes, chalemies, trompettes, vièles, luths de diverses formes, cistres, guiternes et instruments à percussion.

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